Bientôt deux ans déjà, depuis que les premiers décrets et arrêtés cadrant l’exercice de la pratique avancée infirmière (IPA) ont été publiés. Si nombre d’entre nous ont suivi l’avancée des négociations avec attention, il est aujourd’hui l’heure de nous lancer dans nos premières expériences ! Plusieurs cursus de formation ont déjà ouvert en France, et si dans les Hauts-de-France la première session n’a pas encore démarré (voir encart infra), une MSP de la région a déjà eu la chance d’accueillir son premier stagiaire !
François Duponchelle vit et exerce dans le Nord, mais étudie la pratique avancée infirmière à Angers. Pour son premier stage (deux fois 1 mois), la Maison de Santé de Landas lui a ouvert ses portes. Souhaitant en savoir plus sur cette première expérience régionale, la FEMAS Hauts-de-France s’est entretenue avec lui, ainsi qu’avec son tuteur de stage au sein de la MSP, le Dr Sylvain Duriez.
Mr Duponchelle, avant de parler de votre expérience à Landas, pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette formation à la pratique avancée ?
FD : Je travaille actuellement en CSAPA où je prends en charge des patients de manière autonome. Je réalise en ambulatoire des accompagnements au sevrage sur le tabac, le cannabis, l’alcool dans le cadre de protocoles. Je peux réaliser des ajustements thérapeutiques, prescrire des examens biologiques… j’accompagne ainsi mes patients à la fois sur les plans clinique et psychologique. Ce qui a motivé mon inscription en formation IPA, c’est le souhait d’aller encore plus loin dans ce processus : d’une part sur l’aspect théorique ; les sciences infirmières, la santé publique, l’analyse de pratiques… ; mais aussi sur le versant clinique avec la sémiologie, la pharmacologie, les sciences médicales…
Cette expérience universitaire me permet également de réfléchir à ma façon de prendre en soin, d’accompagner, à ma posture professionnelle. C’est un cheminement que je suis depuis plusieurs années, et j’attendais vraiment de pouvoir avancer, valoriser et développer de nouvelles compétences, me permettant d’être plus autonome.
Et vous Dr Duriez, qu’est-ce qui vous a poussé à accueillir Mr Duponchelle ?
SD : C’est lui qui est venu à nous (il a entendu dire qu’à Landas c’était bien… ce sont ses mots) ! En revanche je n’ai pas dit oui immédiatement, nous avons pris le temps de la réflexion avec l’équipe. Ce n’était pas forcément simple, nous n’avions pas de modèle sur lequel nous appuyer. Finalement on s’est dit que nous étions prêts, et même si nous avons dû improviser un peu pour construire son stage, nous sommes contents du déroulé que nous avons choisi. Si c’était à refaire, nous le referions sans hésiter !
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce déroulé ?
SD : Pour construire son stage, nous sommes repartis de sa formation, mais avec aussi l’idée que nous voulions qu’il découvre la vie au sein d’une maison de santé. Nous avons finalement retenu 4 axes.
Le 1er était un axe « démarche clinique », il assistait donc à mes consultations de médecine générale ou à celles du Dr Maitre-Jean. Cela lui a permis de suivre tout le déroulé, la réflexion d’une consultation de médecine générale, de comprendre l’interrogatoire, la façon dont on décide de telle ou telle prise en charge…
Le second axe était un axe ETP, au cours duquel il a assisté aux consultations de notre infirmière Asalée et vu comment mener un entretien motivationnel par exemple.
Le 3e axe concernait la coordination et la dynamique d’équipe en maison de santé. C’est notre coordinateur Gaël Boulanger qui l’a pris en charge sur ce sujet afin de lui en apprendre davantage sur la coordination et le métier de coordinateur, le lien avec les autres professionnels de santé, les réunions de concertation pluripro. C’était également l’occasion pour lui de découvrir comment monter un projet et des exemples d’actions que nous menons sur le terrain.
Enfin, le 4e axe était consacré aux liens de la maison de santé avec l’extérieur sur le territoire. Je l’ai donc emmené aux réunions de la Plateforme Territoriale d’Appui du Douaisis et à celles de notre CPTS. C’était la découverte des liens avec tous les acteurs qui gravitent autour de la maison de santé, que ce soient les MAIA, CLIC, la HAD, le réseau de santé… Il a découvert tout ce qui peut se passer à l’échelle d’un territoire en dehors de la MSP.
C’est le programme que nous souhaitions dérouler : 4 axes, 1 axe chaque jour pendant 4 semaines.
Et vous l’avez trouvé bien adapté ?
SD : Si jamais j’avais un autre stagiaire IPA, je pense que je reprendrais exactement le même modèle. Il répondait bien à la fois aux besoins du stagiaire IPA, et reflétait vraiment notre dynamique d’ensemble à la Maison de Santé. Je pense que nous lui avons fait découvrir de manière authentique ce que nous vivons en travaillant à Landas.
A côté de cela, je vois ce modèle avec une dimension militante. Au départ dans les premiers textes législatifs, nous n’étions pas sûrs qu’il y aurait des IPA en ambulatoire. Nous avons souhaité montrer ce qu’on voudrait qu’un IPA puisse faire en maison de santé. Nous voulions construire un modèle spécifique, adapté aux soins primaires, adapté à une maison de santé.
FD : De mon côté je ne savais pas trop à quoi m’attendre en arrivant, car j’ai exercé pendant près de 20 ans dans l’hospitalier… et j’ai découvert une richesse sur les territoires que je ne soupçonnais pas. Une richesse humaine mais aussi de réseaux, d’organisations où le patient est vraiment au cœur des dispositifs et des attentes.
En outre, j’ai beaucoup apprécié de travailler avec Valérie Moreau, l’infirmière Asalée, et Gaël Boulanger. La coordination, la gestion de projets… je me suis enrichi de différentes approches qui m’influencent aujourd’hui par exemple dans certaines présentations de dossiers à la faculté. J’ai également trouvé une profonde bienveillance au sein de cette équipe, j’ai senti que j’en faisais vraiment partie. Mon stage étant séquencé en deux temps, j’y retournerai au mois de mai et il me tarde de pouvoir continuer cette découverte.
Qu’est-ce qui est prévu pour la suite de ce stage ?
SD : Le fil conducteur de ce stage se résume en une question : « Comment intégrer un IPA au sein d’une dynamique pluriprofessionnelle en maison de santé ? ». Nous lui avons demandé de réfléchir à cette question et ce sera vraiment l’acte 2 de son stage : imaginer sa place au sein de l’équipe en le missionnant sur des actions concrètes de terrain, comme s’il appartenait à l’équipe. Ce n’est pas encore validé mais nous sommes en réflexion sur plusieurs axes.
Nous pensons par exemple à le mettre en autonomie sur des consultations dans le cadre de protocoles MAPA. Ensuite, en consultations de médecine générale nous pourrions faire un peu comme avec nos internes et le mettre en supervision directe sur des situations cliniques qui lui sont enseignées dans son cursus.
Il y a également tout un axe recherche chez les IPA. Nous aimerions faire le lien avec l’axe pluripro en travaillant sur un protocole de repérage de la dénutrition chez la personne âgée de plus de 75 ans à domicile. L’idée serait que lorsqu’un professionnel repère des éléments qui laissent penser à une situation problématique, François se rende au domicile de la personne et puisse prendre quelques mesures (aspect clinique), mais qu’il puisse aussi prendre le temps d’une vraie évaluation globale de la situation (proches aidants, niveau d’autonomie…). Ce travail se ferait en lien avec une thésarde à qui il pourra faire remonter des données, et avec Gaël Boulanger pour que la démarche puisse aussi s’inscrire au sein d’un protocole pluriprofessionnel pour la MSP.
Avec tout cela je pense qu’on devrait répondre à la question, en tous cas ce sont nos pistes à Landas.
Votre bilan est donc positif ? Recommanderiez-vous à une MSP ou à une CPTS d’accueillir un IPA ?
FD : Je suis ravi, même si c’est extrêmement fatiguant, chronophage, c’est d’une richesse difficilement définissable, je mesure pleinement ma chance d’avoir été accepté dans le master et de pouvoir vivre ces expériences. En seconde année nous devons effectuer un plus long stage durant 5 mois, j’ignore s’il est possible de refaire son stage au même endroit, mais j’aimerais beaucoup le refaire à la MSP de Landas.
Plus globalement pour les MSP ou les CPTS il y a tout à fait la place pour des IPA. Ils ne marcheront sur aucune platebande et ne seront en aucun cas des médecins au rabais. La chance de cette fonction d’IPA c’est qu’elle est polymorphe et qu’elle peut s’adapter à la fois à la personnalité de l’IPA mais aussi aux besoins du territoire. Il est possible d’avoir des IPA plutôt pro-cliniques à un endroit, parce qu’il y a une démographie médicale en souffrance. Ailleurs comme à Landas où il n’y a pas de déficit médical, l’arrivée d’un IPA peut permettre d’accentuer la coordination des soins chez certains patients, de consacrer un temps de recherche sur les protocoles du territoire…
SD : Bien sûr je conseille, je suis même prêt à reprendre un/e autre stagiaire parce que c’est très enrichissant. J’ai vraiment l’impression qu’on lui a apporté beaucoup mais lui nous apporte aussi beaucoup. L’accueillir nous permet de réfléchir, de revoir notre dynamique pluriprofessionnelle, d’avoir un regard différent, et d’intégrer des compétences que nous n’avons pas. C’est vraiment un plus pour faire différemment, pour aller plus loin dans la dynamique pluriprofessionnelle, notamment sur l’axe recherche et l’axe protocoles. Donc oui je recommande aux autres maisons de santé, et je me recommande aussi à moi-même d’en reprendre plus tard !
En CPTS, les IPA auront également toute leur place. Personnellement je ne fais pas trop de différence, MSP, CPTS c’est la même dynamique donc on peut imaginer que la CPTS sera aussi un terrain de stage bien sûr. D’ailleurs François fait déjà partie de la dynamique de notre CPTS, il a adhéré à l’Association Santé Pévèle du Douaisis qui la porte et s’est déjà positionné dans deux groupes de travail.
Inscriptions
Les inscriptions pour la formation des infimier·es de pratique avancée à Lille sont ouvertes jusqu’au 10 juillet 2020 ! Les inscriptions se font via e-candidat.univ-lille.fr Une VAPP sera possible pour passage direct en 2e année ou dispensation de certaines unités d’enseignements (renseignements auprès de Mme Marie-Laure Fourrier).
Volume des enseignements
Le volume des enseignements fixé s’élève à 340h de cours + 2 mois de stage en 1re année, et à 207h de cours + 4 mois de stage en seconde année. Plus d’informations et plaquette sur le site de la faculté Henri Warembourg.
Stages
Les stages cliniques seront réalisés :
- En milieu hospitaliser : dans un premier temps au Centre Hospitalier Universitaire de Lille, au Centre Oscar Lambret (Centre régional de lutte contre le cancer de Lille) et dans les hôpitaux du Groupe Hospitalier de l’Institut Catholique de Lille. D’autres lieux de stages en dehors de ces établissements viendront s’ajouter ultérieurement.
- En ville dans les Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP). Sont envisagés des stages partagés (ville-hôpital). Le processus d’universitarisation des MSP accélèrera ce mécanisme d’encadrement et formation universitaire.
- Les terrains de stage seront agréés par le doyen de la faculté, sur proposition du binôme responsable de la formation.
- Un travail est actuellement mené pour définir des critères d’agrément de stages, des objectifs de stage et identifier les terrains de stage potentiels.