Le décret tant attendu permettant l’accès direct aux Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) au sein des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) a été publié ce mardi 21 janvier 2025 au Journal officiel. Cette mesure fait suite à la loi RIST, adoptée il y a un an et demi, et dont nous avions discuté lors d’un webinaire avec la Députée Stéphanie RIST consacré à l’accès direct.

 

Le métier d’IPA, créé en France en 2018 alors qu’il existe dans de nombreux pays depuis plusieurs décennies, vise à améliorer l’accès aux soins pour les populations concernées. Après un tronc commun d’enseignements en faculté de Médecine, les IPA choisissent une spécialisation. Ils entament leur pratique après un parcours d’au moins huit ans, alliant théorie et pratique sur le terrain. Cinq spécialités sont actuellement proposées : Pathologies chroniques stabilisées (la plus courante en ville), Onco-hématologie, Maladie rénale, Psychiatrie et Urgence.

Les récentes évolutions législatives et réglementaires ont renforcé leur rôle, élargissant leurs responsabilités et étendant leur champ d’action pour mieux répondre aux défis du système de santé. Cela leur permet de jouer un rôle clé dans la gestion des patients, notamment en matière de diagnostic, de prescription et d’interventions en situation d’urgence. Cependant, cette autonomie accrue ne signifie pas indépendance. Les IPA continuent de travailler en étroite coordination avec les autres professionnels de santé, garantissant la sécurité et la qualité des soins.

Bien que les IPA puissent désormais réaliser des actes jusqu’alors réservés aux médecins, leur pratique reste encadrée par des normes législatives, et leur intervention doit s’intégrer dans une démarche de coordination avec les médecins traitants. C’est pourquoi ces évolutions concernent principalement les structures pratiquant l’exercice coordonné, telles que les MSP et les Centres de Santé. Les IPA libéraux doivent être signataires d’un projet de santé d’équipe pour pouvoir pratiquer cet accès direct, et utiliser un système d’information partagé pour assurer une transmission claire des informations sur le suivi des patients.

 

Pour mieux comprendre les changements apportés par le décret n°2025-55 du 20 janvier 2025, il est essentiel de se pencher sur les principales modifications concernant les IPA, leur champ d’action et leurs modalités d’intervention.

Elargissement des compétences et responsabilités des IPA

Les IPA disposent désormais de compétences élargies, ce qui leur permet d’intervenir à différents niveaux du parcours de soins, y compris la gestion des patients, la prescription de certains produits et prestations, et leur participation dans les services d’urgence.

Les IPA peuvent désormais intervenir auprès des patients soit spontanément, soit sur orientation d’un médecin, sous certaines conditions.

Si l’IPA n’exerce pas au sein d’une équipe de soins primaires, MSP ou Centre de Santé, le diagnostic et les choix thérapeutiques restent sous la responsabilité du médecin qui a assuré le suivi du patient.

L’organisation en équipe permet d’apporter plus de souplesse dans la gestion des soins tout en garantissant une prise en charge cohérente, sécurisée, et conforme aux standards médicaux.

La primo-prescription par les IPA

Les IPA sont également autorisés à réaliser des prescriptions, y compris de nouveaux traitements, dans le cadre de certaines conditions définies par un arrêté ministériel, après avis de l’Académie nationale de médecine. Ces prescriptions doivent répondre à une liste validée, respectant des critères précis. Il est à espérer que l’Académie, parfois réticente aux évolutions du système de santé, tienne compte des réels besoins des patients et des compétences pluriprofessionnelles disponibles.

En cas d’urgence, conformément à l’article R.4301-2 du CSP, un IPA peut formuler des conclusions cliniques pour les patients pris en charge, sous la condition que la situation soit précisée par un arrêté ministériel et qu’un médecin des urgences participe à la prise en charge. Cela permet aux IPA de jouer un rôle dans des situations critiques tout en maintenant la coordination avec les médecins.

Encadrement et coordination des actes réalisés par les IPA

Les IPA voient leurs responsabilités renforcées par de nouvelles dispositions encadrant leur pratique. Elles visent à garantir une organisation des soins efficace et sûre, notamment en ce qui concerne les situations dépassant leurs compétences, la formation des infirmiers en pratique avancée, ou la réalisation d’actes prescrits.

Lorsqu’un IPA identifie une situation au-delà de ses compétences, il doit orienter le patient vers son médecin traitant, en l’informant expressément pour assurer une prise en charge adaptée.

En l’absence de médecin traitant, l’IPA doit inscrire l’information dans le dossier médical partagé et rediriger le patient vers un médecin généraliste ou une structure compétente, en transmettant les informations nécessaires.

Dans le cadre d’une urgence, mentionnée à l’article R.4301-2 du CSP, le patient doit être orienté vers un médecin urgentiste.

Les infirmiers en formation pour devenir IPA peuvent, lors de leurs stages, participer aux actes définis dans l’article R. 4301-3 du CSP, sous la supervision d’un IPA diplômé ou d’un médecin.

La pratique des infirmiers de soins généraux

Les infirmiers en soins généraux peuvent désormais réaliser des actes prévus à l’article R. 4311-7 du CSP, soit sous prescription médicale, soit sur protocole écrit, établi par un médecin ou un IPA.

Ces mesures visent à renforcer la prise en charge des patients tout en assurant une régulation précise des actes réalisés.

Pour notre fédération, l’attention est désormais tournée vers l’arrêté qui déterminera les produits et prestations que pourront prescrire ces IPA. Cependant, pour que ce nouveau métier ait un véritable impact sur l’accès aux soins, la politique de formation initiale devra être revue. Actuellement, le nombre d’IPA formés est largement insuffisant par rapport aux besoins. Par ailleurs, le modèle économique pour les IPA libéraux reste complexe et pourrait nécessiter une révision. Le développement de ces professionnels au sein des MSP, qu’ils exercent en libéral ou en tant que salariés, pourrait ainsi se concrétiser de manière plus cohérente.