La FEMAS Hauts-de-France & l’ARS Hauts-de-France vous font découvrir l’exercice coordonné en parcourant la région, à la rencontre des professionnels ayant choisi de faire de ce mode d’exercice leur quotidien. Aujourd’hui, direction Dunkerque dans le Nord.
Aujourd’hui, arrêt dans le Dunkerquois ! Nos chargés de mission sont allés rendre visite aux membres de l’équipe de la MSP du Kruysbellaert, inaugurée il y a quelques mois. Rencontre avec des professionnels particulièrement impliqués et passionnés (comme vous le découvrirez rapidement !), les Dr Christophe Berkhout & Yann Dandoy (médecins généralistes), Mme Elise Debruyne (coordinatrice), Mme Nadia Drosik-Guzda (orthophoniste), et Mme Jade Vancoppenolle (sage-femme).
Pouvez-vous nous raconter votre histoire, comment est né votre projet, votre équipe ?
Christophe Berkhout : Il y a environ 15 ans, j’ai eu l’occasion d’observer la manière dont s’organisaient les soins premiers dans différents pays européens, et notamment les cabinets médicaux sur plusieurs étages aux Pays-Bas, en Angleterre ou encore en Finlande. J’ai pensé qu’en France nous serions amenés à aller dans le même sens. Mais à cette époque la collaboration interprofessionnelle était impossible, ne serait-ce que statutairement. Durant tout ce temps j’ai continué à réfléchir à la façon dont un tel projet pouvait se monter, et il y a 5 ou 6 ans, les circonstances avaient évolué. Les premières maisons de santé sortaient du sol.
Au même moment, les bâtiments industriels qui occupaient la surface où nous nous trouvons ont été rachetés par la Communauté Urbaine de Dunkerque, avec un projet de démolition. Il y avait donc une friche industrielle qui se libérait en plein centre de Petite-Synthe, c’était une belle opportunité. Mais un projet ça ne se mène pas seul donc je me suis très rapidement rapproché du cabinet paramédical qui était à côté de chez moi, des infirmières qui étaient installées avec moi et du cabinet de Grande-Synthe, avec comme objectif d’abord d’assurer la pérennité de l’offre de soins premiers, mais également de pouvoir garder notre personnel, secrétaires et femmes de ménage.
Nous avons rencontré quelques difficultés notamment en ce qui concerne notre projet immobilier, retardé en raison d’un changement de municipalité, mais cela a permis de vraiment consolider les liens dans le noyau dur de l’équipe.
Nous pensons que le travail en équipe et la pluriprofessionnalité, pour l’offre de soins premiers c’est l’avenir. Maintenant ça c’est un pari !
Maintenant que vous êtes bien installés, comment se concrétise cette nouvelle façon de travailler au sein de votre équipe et en dehors ? Quels types de projets souhaitez-vous mettre en place ?
CB : Par exemple nous expérimentons les dossiers partagés avec nos pharmaciens associés. Ils ont accès aux pathologies des patients, peuvent entrer des intolérances médicamenteuses et ont directement accès aux ordonnances. Les pharmaciens sont donc intégrés au projet de soin, et on augmente la sécurité médicamenteuse du patient.
Elise Debruyne : En matière de prévention nous relayons les campagnes nationales, mars bleu par exemple, sur le diabète également. Nous avons aussi organisé une action santé des femmes/gynécologie avec le planning familial et la sage-femme, ainsi que des ateliers diététique et grossesse.
Il y a beaucoup de structures aux alentours qui participent à nos séances de sensibilisation, la maison de quartier, ou le foyer ARELI par exemple, une maison relais pour les personnes ayant connu des accidents de parcours, qui leur permet de bénéficier d’un accompagnement social en attendant d’aller vers un logement autonome. Nous invitons systématiquement le Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile. C’est un public un peu plus difficilement mobilisable, qui se déplace moins aisément. Des actions sur place seraient certainement plus intéressantes, nous réfléchissons pour mettre cela en place.
CB : Nous travaillons aussi beaucoup sur les filières. Avec la Polyclinique, nous souhaitons éviter les ruptures de parcours des personnes âgées entre le domicile et les hospitalisations. Les personnes âgées font souvent des allers-retours entre l’hôpital et le domicile, et l’idée serait qu’elles ne transitent plus par les urgences. En mettant en place une coordination entre les infirmières qui les suivent à domicile, et l’infirmière coordinatrice de gériatrie des hôpitaux, l’hospitalisation pourrait se faire directement du domicile dans le service fléché.
Sur un tout autre sujet nous avons mis en place en partenariat avec GT59/62 une intervention pour les usagers de drogues, avec des intervenants sociaux, médico-sociaux voire judiciaires, de façon à mettre en place des projets de soins qui soient cohérents.
ED : Si nous avons une particularité, c’est je pense la très grande volonté des professionnels de la maison de santé de s’ouvrir sur l’extérieur et sur le médico-social notamment.
Vos projets et vos partenariats laissent bien transparaître cette volonté de proposer un accompagnement sur le plan médico-social aux habitants du territoire. Cette volonté se concrétise également par la présence dans la MSP d’une assistante sociale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
ED : Une assistante sociale est effectivement présente une fois par semaine depuis le mois de novembre 2018. Les professionnels peuvent lui orienter directement leurs patients et cela permet de débloquer des situations d’accès aux droits, aux soins, d’arrêts de travail qui viennent perturber les parcours. C’est une volonté de l’équipe depuis le début et l’élaboration du projet de santé, d’apporter une offre multiple et de s’occuper aussi de l’aspect économique et social des patients. Pour certains, avoir une assistante sociale dans les murs leur a permis d’oser rencontrer un travailleur social pour la première fois, alors qu’ils n’auraient pas franchi la porte de l’UTPAS ou du CCAS par exemple. Venir comme d’habitude à la maison de santé, s’asseoir presque au même endroit… Cela fait une grosse différence dans leurs représentations, il y a moins d’appréhension.
CB : Et lorsque nous repérons des problèmes médico-sociaux chez nos patients, un frein social, un renoncement aux soins, une désinsertion professionnelle… nous pouvons intervenir avec l’assistance sociale avant que la personne n’entame son parcours de désinsertion. En ce qui concerne le renoncement aux soins par exemple c’est très complexe. Cela va au-delà du financier.
Certaines personnes ratent régulièrement leurs rendez-vous. Est-ce qu’elles les ratent parce qu’elles ont oublié ? Pour autre chose ? Ce n’est pas forcément facile à comprendre pour les jeunes professionnels de santé, qui peuvent se sentir frustrés lorsque des patients ne viennent pas à leur rendez-vous, mais pour nous c’est plutôt révélateur d’un problème social sous-jacent.
ED : C’est vrai que pour ces situations, un accompagnement administratif n’est pas suffisant, un travailleur social ou une assistance sociale ira au-delà. Parce que ce n’est pas parce que la CMU ou l’ACS auront été débloquées que la personne ira prendre ses rendez-vous, parfois il y a d’autres freins, des leviers à explorer et à déployer. L’accompagnement social permet cela, et c’est de longue haleine !
Bien que la Maison de Santé soit encore jeune vous semblez avoir déjà adopté une nouvelle manière de travailler, en coordination les uns avec les autres et avec l’extérieur. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
CB : Repérer les patients, l’enfant obèse de moins de 8 ans pour « Mission retrouve ton cap », persuader les parents de rentrer dans le projet, repérer le diabétique en phase initiale, le motiver, l’orienter rapidement vers le programme ETP, repérer la personne âgée fragile et mettre en place des consultations dans le secteur gériatrique… tout cela c’est une nouvelle façon de travailler qui n’est pas forcément innée. Il y a des réflexes à prendre pour travailler sur le recrutement des patients, mais c’est aussi parce que nous avons beaucoup de chantiers en place !
Nous n’avons pas parlé de l’informatique non plus, de la cohérence dans la tenue des dossiers par chacun des professionnels… D’ailleurs, le simple fait de se mettre derrière un ordinateur pour certains professionnels qui ne le faisaient pas, il y a un côté révolutionnaire ! On ne peut pas demander tout à tout le monde tout de suite, parce que chacun a son rythme et il faut le respecter.
Nadia Drosik-Guzda : En tant que professionnelle de santé je trouve cela enthousiasmant, moi qui ai longtemps travaillé seule. Et encore ce n’est que le début ! Nous avions aussi évoqué l’idée de faire des réunions interprofessionnelles pour parler de nos différents métiers, découvrir des choses que parfois nous ne connaissons pas sur les pratiques des autres. Pour toujours créer plus de liens entre nos pratiques.
ED : Je trouve qu’on voit que l’équipe avance. Il y a des échecs parfois mais on sait où on veut aller. Le fait d’être dans un même lieu est une richesse également, il y a plein de choses qui se passent au quotidien, plein d’échanges, de partages, au moment du repas, dans les couloirs… Nous avons aussi la chance d’être dans une équipe qui met vraiment un point d’honneur à jouer le jeu de la coordination, de l’ouverture sur l’extérieur, sur le médico-social, qui essaie de développer des projets et qui s’en donne les moyens. Les rémunérations aujourd’hui servent en majeure partie à financer les 3 jours de coordination, c’est important de le préciser.
ND : Oui mais c’est le sens de la Maison de Santé aussi. Nous ne voulons pas que la maison de santé n’ait que des liens internes, mais aussi des liens avec l’extérieur. Nous voulons des professionnels impliqués, qui ont envie de participer à ce travail d’équipe, pour pouvoir continuer à développer, avancer au service des patients… Il faut aussi que nous y trouvions quelque chose et c’est le cas. Par exemple en ETP, avoir une relation privilégiée avec nos patients, découvrir ce qu’il y a derrière leurs freins ou au contraire leurs envies, c’est d’une richesse formidable, aussi bien professionnellement que personnellement.
Si vous souhaitez rejoindre cette équipe passionnée, la MSP dispose de plusieurs bureaux disponibles ! L’équipe souhaite notamment se renforcer de médecins généralistes et d’un·e diététicien·ne, n’hésitez-pas à les contacter !
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Ce reportage a été réalisé avec le soutien de l’ARS Hauts-de-France
et le Portail d’Accompagnement des Professionnels de Santé.
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